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Ce blog est au service de la pédiatrie de première ligne. Il est ouvert à ceux et celles qui veulent la préserver.

dimanche 9 mars 2008

Orphelins médico-sociaux

L’échelonnement « soft » imaginé par le Ministre Rudi Demotte a fait long feu. Peut-on vraiment s’en étonner ?

Impossible en Belgique, sans susciter un tollé général, d’interdire l’accès direct aux spécialistes, ou plus exactement de soumettre le remboursement de leurs consultations à l’accord préalable d’un collègue.

Le bâton paraissant exclu, on s'est rabattu sur la carotte. Ou on a essayé. Certes la prime de 5 euros accordée pour une consultation spécialisée, à la demande du médecin de famille rembourse le ticket modérateur de 3,85 euros de la consultation de médecine générale. Mais il faut que le médecin soit conventionné, que le patient ait le DMG (dossier médical global) et cela ne compense pas la perte de temps.

Au demeurant, si le système s’était généralisé, il aurait obligé l’assurance, pour chaque consultation spécialisée, à rembourser deux consultations au lieu d’une. Si c’est ainsi qu’on espérait faire des économies, on doit se réjouir de l’échec de l’expérience.

Or on peut imaginer d’autres moyens d'améliorer la rationalité des soins, la coopération entre médecins, l’échange d’informations, pour réduire les doubles emplois et les examens inutiles.

Ils passent par l’informatisation des dossiers, sans oublier ceux des consultations d'ONE (Office de la naissance et de l'enfance) et de PSE (Promotion de la santé à l'école). Subventionner les omnipraticiens pour qu'ils s'achètent un ordinateur n'est pas sérieux. Quel médecin n'en possède pas au moins un ? En revanche, les logiciels médicaux et les réseaux de transmission de données demeurent sous-utilisés, en partie par manque de normes.

A l’issue d’une consultation, mon logiciel médical permet l'envoi de la fiche patient au médecin de famille. Mais il faut que le confrère dispose du même logiciel et que je connaisse son adresse électronique. Dans ces conditions, tout se passe bien. Mais elles sont rarement réunies et si je fais l’effort d’adresser mes conclusions au médecin traitant pour les patients que nous suivons en commun, je ne reçois pas souvent l’information en retour.

Il faudrait donc des normes communes à tous les logiciels médicaux, un système automatique de transmission des données, et pourquoi pas, de traduction.

Je reçois des rapports en français, en néerlandais, en allemand, en anglais, parfois en d’autres langues. Mais quand des expatriés retournent chez eux, des lettres écrites en néerlandais ou même en français risquent d’être peu utiles au collègue américain, suédois ou turc qui prendra le relais…

La multiplicité des acteurs et l'apparition de dossiers informatisés en réseau imposent une centralisation. Le DMG en a introduit le concept. Il faut aussi un chef d'orchestre, de préférence le médecin que le patient consulte habituellement (si l'un et l'autre le souhaitent et si le praticien en a les capacités). Ce sera souvent un généraliste, mais pas forcément. Des malades atteints d'affections chroniques voient davantage leur spécialiste, sans doute mieux préparé aux problèmes qu'ils risquent de présenter. Malheureusement le DMG belge reste le monopole des omnipraticiens, seuls médecins de référence autorisés.

On a aussi oublié les pédiatres, et ceux dont ils sont le médecin. En 1968 Harry Shirkey avait forgé l'expression "therapeutic orphans" (orphelins thérapeutiques) pour déplorer que de nombreux médicaments pédiatriques n'aient été bien étudiés que chez l'adulte, demeurant même officiellement interdits chez les nourrissons et les enfants.

Dans un pays développé, la pédiatrie du premier échelon devrait être un droit de l'enfance. Du fait de la rareté relative des pédiatres, elle devient un privilège. Faut-il le payer par des discriminations ? Et faire des enfants, dont les parents ont préféré un pédiatre, des orphelins médico-sociaux ?


PRESENTATION

La pédiatrie du premier échelon est menacée. Elle se trouve clairement en situation délicate, sinon en crise.

Faut-il rappeler que les pédiatres sont par excellence les premiers médecins de l'enfant ?

Une formation spécifique les prépare, soutenue par un recyclage exigeant, complétée par l'expérience, essentielle à une médecine performante.

Ils ont des raisons de s'inquiéter quand le dossier médical global (DMG) est réservé aux généralistes, comme les subventions aux médecins informatisés, ou quand la presse cesse de publier les noms et numéros de téléphone des pédiatres de garde.

Quand le week-end, on parcourt certains journaux toutes boîtes, on y trouve plus facilement un vétérinaire qu'un pédiatre.

Et en salle d'urgence, où il n'est pas rare que l'attente atteigne plusieurs heures, on n'appelle pas toujours le pédiatre que les parents demandent.

Tout cela témoigne d'une évolution des mentalités, et de réglementations qui peu à peu tendent à priver la majorité des enfants d'une médecine mieux adaptée à leurs besoins.

* * *

Pour quelles raisons ? Il existe en Belgique un courant favorable à un échelonnement excluant les pédiatres de la première ligne des soins, alors que d’autres nations comme la France ou les Etats-Unis considèrent comme une évidence qu’ils y ont leur place.

L'insatisfaction des patients néerlandais ou britanniques, le coût budgétaire, social ou simplement humain de ces contraintes ne freinent pas leurs partisans et ne suffiront sans doute pas à les arrêter.

Les généralistes et les pédiatres, mais aussi les gynécologues, les internistes et à un degré moindre d’autres spécialistes ont tous à des titres divers un rôle à jouer au premier rang des soins.

La collaboration et l'échange d'informations entre médecins répondent à une exigence de continuité des traitements, de cohérence, d'efficacité et de maîtrise des coûts.

Pour y arriver nous avons besoin de réseaux informatisés, souples, évolutifs, ouverts sur la diversité et la complexité des situations. Un échelonnement figé imaginant la médecine comme une pyramide régie par des rapports autoritaires nous projetterait dans une époque révolue.

Ne pas le voir, c’est confondre rigueur et raideur, céder à des chimères qui risquent de déboucher, non sur une rationalité plus grande, mais sur le rationnement, la pénurie, les listes d’attente, le refus de soins et finalement une médecine à deux vitesses.

Car si on en a les moyens, on échappe plus facilement à ces inconvénients. Et on doit s'alarmer devant des signes qui ne trompent pas. Ainsi les témoignages s'accordent pour déplorer la dégradation du nursing hospitalier. Le dévouement du personnel ne suffit plus à compenser les normes insuffisantes, les horaires surchargés, les salaires inférieurs à ceux des pays voisins, ni à empêcher une crise majeure de recrutement.

* * *

Dans notre pays, on admet comme principes intangibles du service au patient, la facilité d'accès aux meilleurs soins possibles - y compris pour les moins favorisés - et la liberté de choisir son médecin - y compris le droit d'en consulter un autre ou d'en changer.

C'est un acquis de civilisation dont nous pouvons être fiers. Il est encore rare dans le monde d'aujourd'hui.

Mais pour les enfants, qu'en reste-t-il, quand les pédiatres sont systématiquement écartés du premier rang de la médecine ?

A la faveur d'un numerus clausus dont les choix n'ont pas été discutés comme ils auraient pu l'être, une pénurie de pédiatres (et d'autres spécialistes) s'est installée.

Elle pèse aujourd'hui sur la pédiatrie hospitalière, mais menace davantage la pédiatrie "de ville" qui risque la disparition pure et simple.

Il est de notre devoir, pour nos patients, pour nos confrères généralistes et spécialistes de dénoncer cette marginalisation de la pédiatrie.

Comment ne pas y voir une régression médicale et sociale, sans doute responsable d'un surcoût ? Reste à le chiffrer.

Car si les pédiatres sont spécialement formés à la médecine des enfants, cette formation, porteuse d'une prévention attentive, d'interventions précoces, d'examens complémentaires ciblés et de traitements efficaces se justifie aussi par sa rentabilité.

Et s'il faut une étude pour le confirmer, les données recueillies par l'Inami sont une mine d'informations à explorer...