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Ce blog est au service de la pédiatrie de première ligne. Il est ouvert à ceux et celles qui veulent la préserver.

mardi 23 septembre 2008

En s'attaquant aux "facilités" l'Ordre des Médecins sort de son rôle

L'Ordre des Médecins envisage de se réformer pour devenir notamment "plus communautaire". Malheureusement la proposition prend aussi pour cible les francophones de la périphérie bruxelloise.

Elle prévoit que seuls les médecins des dix-neuf communes du centre de Bruxelles pourront choisir l'Ordre où ils veulent être inscrits. Les médecins des communes "à facilités" situées en Flandre et déjà inscrits à l'Ordre francophone seront laissés tranquilles, mais les nouveaux venus devront s'inscrire à l'Ordre néerlandophone.

Passons sur les problèmes pratiques et la situation absurde qui découleraient de ces dispositions : tous les médecins francophones de la périphérie ne sont pas bons bilingues, certains utilisent peu le néerlandais, ou pas du tout. On peut le regretter mais c'est la réalité, et leur droit. Sociologiquement ils sont Bruxellois. Beaucoup ne feront pas l'effort de lire ou de comprendre les textes que l'Ordre leur enverra et s'ils sont appelés à s'exprimer devant leurs pairs, ils seront incapables de le faire aisément en néerlandais.

Paradoxalement l'Ordre des Médecins néerlandophone risque de devenir dans les faits un Ordre bilingue.

Ainsi, un de mes amis, médecin généraliste bruxellois s'était inscrit à l'Ordre flamand. Quand ses confrères néerlandophones ont pris la mesure de ses connaissances linguistiques, les échanges se sont poursuivis en français, verbalement et par écrit. Saluons la décontraction et la courtoisie de ces confrères néerlandophones. Rien ne les obligeait à utiliser le français dans ces conditions. Cela risque de changer. Si des médecins domiciliés dans une commune flamande à facilités sont contraints d'adhérer à l'Ordre néerlandophone, les lois existantes leur permettront d'utiliser le français et il est probable que beaucoup l'exigeront.

Comment comprendre un projet aussi étrange, aussi peu respectueux des individus et des réalités ? Ne serait-il pas influencé par la thèse contestée selon laquelle les "facilités" linguistiques dont bénéficient les francophones sont destinées à disparaître ? Or cet agenda d'extinction n'a aucune base légale, n'est pas prévu par la Constitution et n'est jamais invoqué contre les flamands qui bénéficient de "facilités" en Wallonie.

Faut-il rappeler que les communautés francophones dans la périphérie bruxelloise existaient bien avant la suppression du recensement linguistique, bien avant l'établissement d'une "frontière linguistique" tracée sans consultation des populations concernées ?

Faut-il rappeler que les nouveaux arrivants francophones, médecins ou non, rejoignent ainsi des communautés établies de longue date, que dans les 6 communes à facilités de la périphérie bruxelloise, ces communautés sont largement majoritaires ? Faut-il rappeler que cette situation a fait inscrire dans la Constitution belge des dispositions qui protègent leurs droits culturels, juridiques et politiques ?

Cette protection laisse d'ailleurs beaucoup à désirer : la trop fameuse "circulaire Peeters" oblige les Bruxellois francophones de la petite périphérie à demander chaque fois la traduction des documents qu'ils reçoivent en néerlandais, les procès-verbaux des infractions de roulage ne leur sont pas traduits, leurs élus locaux doivent s'exprimer exclusivement en néerlandais, même s'ils maîtrisent mal cette langue, leurs écoles ne peuvent accepter d'enfants d'autres communes.

Les Bruxellois qui résident et travaillent dans une commune "à facilités" située administrativement en Flandre ne peuvent pas non plus y créer une société en français, et les contrôles fiscaux sont exclusivement en néerlandais. On voudrait les dissuader d'établir leur siège social en Flandre, on ne s'y prendrait pas autrement.

On voit que certaines raideurs sont contre-productives. La Province du Brabant flamand organise un dépistage gratuit du cancer du col de l'utérus. Les invitations sont exclusivement en néerlandais, même dans les communes à facilités. Il n'est pas possible d'en obtenir une version française, attitude évidemment peu propice à la participation des francophones. Pour se complaire dans leur crispation identitaire, au mépris de tout bon sens, des autorités sont prêtes à compromettre l'objectif de santé publique ! A New York on est plus pragmatique : on n'hésite pas à s'adresser à la population en espagnol ou en chinois...

La Convention européenne sur la protection des minorités nationales condamne les efforts visant à les exclure, mais aussi à les assimiler. Elle définit un principe civique, rendu nécessaire par la coexistence d'une multitude de communautés ethniques, linguistiques, culturelles, ou religieuses.

Elle est aussi le fruit d'un cheminement du droit, entamé après la deuxième guerre mondiale quand l'Europe a pris conscience des dérives auxquelles on s'expose si on oublie que les cultures ne sont pas mutuellement exclusives, que toute civilisation est le fruit de métissages et quand la défense d'une identité débouche sur la notion qu'une autre lui fait de l'ombre et qu'il faut l'exclure, l'écraser ou l'éradiquer.

L'Ordre des Médecins se présente comme le garant de la déontologie. Mais qu'est-ce qu'une confraternité sans respect de l'autre et de sa différence ? Je suis abasourdi que l'Ordre national ait pu présenter ou laissé passer cette proposition vexatoire, pour ne pas dire xénophobe.

Le monde politique doit réagir, j'espère qu'il le fera, j'espère aussi que de nombreux médecins, francophones, néerlandophones ou germanophones, peu importe, se prononceront publiquement contre ce dérapage malheureux.

PRESENTATION

La pédiatrie du premier échelon est menacée. Elle se trouve clairement en situation délicate, sinon en crise.

Faut-il rappeler que les pédiatres sont par excellence les premiers médecins de l'enfant ?

Une formation spécifique les prépare, soutenue par un recyclage exigeant, complétée par l'expérience, essentielle à une médecine performante.

Ils ont des raisons de s'inquiéter quand le dossier médical global (DMG) est réservé aux généralistes, comme les subventions aux médecins informatisés, ou quand la presse cesse de publier les noms et numéros de téléphone des pédiatres de garde.

Quand le week-end, on parcourt certains journaux toutes boîtes, on y trouve plus facilement un vétérinaire qu'un pédiatre.

Et en salle d'urgence, où il n'est pas rare que l'attente atteigne plusieurs heures, on n'appelle pas toujours le pédiatre que les parents demandent.

Tout cela témoigne d'une évolution des mentalités, et de réglementations qui peu à peu tendent à priver la majorité des enfants d'une médecine mieux adaptée à leurs besoins.

* * *

Pour quelles raisons ? Il existe en Belgique un courant favorable à un échelonnement excluant les pédiatres de la première ligne des soins, alors que d’autres nations comme la France ou les Etats-Unis considèrent comme une évidence qu’ils y ont leur place.

L'insatisfaction des patients néerlandais ou britanniques, le coût budgétaire, social ou simplement humain de ces contraintes ne freinent pas leurs partisans et ne suffiront sans doute pas à les arrêter.

Les généralistes et les pédiatres, mais aussi les gynécologues, les internistes et à un degré moindre d’autres spécialistes ont tous à des titres divers un rôle à jouer au premier rang des soins.

La collaboration et l'échange d'informations entre médecins répondent à une exigence de continuité des traitements, de cohérence, d'efficacité et de maîtrise des coûts.

Pour y arriver nous avons besoin de réseaux informatisés, souples, évolutifs, ouverts sur la diversité et la complexité des situations. Un échelonnement figé imaginant la médecine comme une pyramide régie par des rapports autoritaires nous projetterait dans une époque révolue.

Ne pas le voir, c’est confondre rigueur et raideur, céder à des chimères qui risquent de déboucher, non sur une rationalité plus grande, mais sur le rationnement, la pénurie, les listes d’attente, le refus de soins et finalement une médecine à deux vitesses.

Car si on en a les moyens, on échappe plus facilement à ces inconvénients. Et on doit s'alarmer devant des signes qui ne trompent pas. Ainsi les témoignages s'accordent pour déplorer la dégradation du nursing hospitalier. Le dévouement du personnel ne suffit plus à compenser les normes insuffisantes, les horaires surchargés, les salaires inférieurs à ceux des pays voisins, ni à empêcher une crise majeure de recrutement.

* * *

Dans notre pays, on admet comme principes intangibles du service au patient, la facilité d'accès aux meilleurs soins possibles - y compris pour les moins favorisés - et la liberté de choisir son médecin - y compris le droit d'en consulter un autre ou d'en changer.

C'est un acquis de civilisation dont nous pouvons être fiers. Il est encore rare dans le monde d'aujourd'hui.

Mais pour les enfants, qu'en reste-t-il, quand les pédiatres sont systématiquement écartés du premier rang de la médecine ?

A la faveur d'un numerus clausus dont les choix n'ont pas été discutés comme ils auraient pu l'être, une pénurie de pédiatres (et d'autres spécialistes) s'est installée.

Elle pèse aujourd'hui sur la pédiatrie hospitalière, mais menace davantage la pédiatrie "de ville" qui risque la disparition pure et simple.

Il est de notre devoir, pour nos patients, pour nos confrères généralistes et spécialistes de dénoncer cette marginalisation de la pédiatrie.

Comment ne pas y voir une régression médicale et sociale, sans doute responsable d'un surcoût ? Reste à le chiffrer.

Car si les pédiatres sont spécialement formés à la médecine des enfants, cette formation, porteuse d'une prévention attentive, d'interventions précoces, d'examens complémentaires ciblés et de traitements efficaces se justifie aussi par sa rentabilité.

Et s'il faut une étude pour le confirmer, les données recueillies par l'Inami sont une mine d'informations à explorer...