bienvenue

Ce blog est au service de la pédiatrie de première ligne. Il est ouvert à ceux et celles qui veulent la préserver.

vendredi 24 septembre 2010

Le respect de l'enfance : une notion neuve

L’utilisation sexuelle des enfants  fait l’objet d’une prise de conscience  nouvelle.  L’indignation et l’inquiétude vont croissant et  débouchent sur  beaucoup de questions.

L’Eglise catholique est loin d’être seule en cause. La plupart des abus (on cite le chiffre de 85 %) sont intrafamiliaux, on a signalé des  cas de pédophilie dans des internats laïcs,  des écoles coraniques ou perpétrés par des rabbins  et des  pasteurs protestants.

D’autres rappellent que la pédérastie était  socialement acceptée en Grèce antique, ou encore aujourd’hui  dans des tribus de Nouvelle-Guinée.  Au Moyen-Âge européen, des familles pauvres, pour manger,  prostituaient  leurs enfants. Et  on rapporte que le fondateur de l’islam a épousé une enfant  de 8 ans et  consommé le mariage quand elle avait 12 ans.

Le respect de l’enfance  est une notion neuve.  La dépendance infantile,  totale à la naissance,  ne se résout que lentement. Dès lors,  la reconnaissance de  l'intimité d'un enfant  comme une limite et un droit fait souvent défaut  à des proches qui n’expriment pas toujours la retenue  qui irait de soi  avec un  adulte.

Le célibat imposé au clergé catholique  l’expose-t-il  particulièrement à  cette déviance ?  La réponse n’est pas simple.  Aux Pays-Bas, une enquête auprès des prêtres catholiques a révélé que la moitié se considéraient comme d’orientation homosexuelle. Une proportion très supérieure à la normale  généralement estimée à 5-15 % selon les contextes socio-culturels. Les homosexuels feraient-ils de plus fervents chrétiens ?  Difficile à croire.  Il  semble plus probable que  la valorisation du célibat, et la règle qui l’impose,  opèrent  un biais de sélection qui  dissuade les hétérosexuels, d’autant plus qu’ils  sont dotés  d’une sexualité ou d’une libido forte, et   ressentent profondément qu'il  n’est pas bon que l’homme soit seul

Et  pourquoi n’est-ce  pas bon ?   Une  sexualité normale contribue à  la  santé psychique  et physique. L’interdire à un adulte, c’est  prendre le risque de le fragiliser,  rendre  plus difficile l’équilibre affectif, moral et mental. Tant qu'on refusera d'admettre qu'on crée une situation malsaine, potentiellement perverse, en écartant ainsi  des  hommes - et des femmes - qui  entendent assumer leur sexualité,  le grand public, croyant ou non, gardera ses doutes sur la bonne foi  de  l'Eglise.

Le catholicisme s'inscrit dans  le temps et  l'histoire.  Comme d’autres religions,  il exprime une culture séculaire peu respectueuse de l’intimité, de la  liberté personnelle et de la diversité.  La règle du célibat, l’interdiction du divorce, les  condamnations  de la contraception et de l’homosexualité, la diabolisation de l’avortement,  voire le sacrement de confession,  légitiment  des intrusions de l’institution ecclésiale et du clergé  dans les consciences,  les profondeurs mystérieuses des personnalités, les pensées, les décisions et les comportements  les plus intimes. Et on ne s’étonnera pas qu'elles soient  souvent  maladroites, inadaptées, parfois brutales,  oublieuses de l'antique sagesse qui  laissait  à l'Eternel  le soin  de sonder les reins et les coeurs.

On a incriminé  la misère sexuelle et la solitude  pour expliquer  les dérapages pédophiles  de  certains membres du clergé. Parfois, la relation de cause à effet  ne fait guère de doute.  On a  négligé l'avertissement de Pascal :  qui veut faire l'ange, fait la bête.  Mais  je me demande si le mal n’est pas   plus profond. Et s’il ne faut pas  dénoncer  tout autant une culture de l’irrespect  comme dangereuse  et   propice à  l’exploitation sexuelle des plus vulnérables et  des plus immatures.    

jeudi 14 janvier 2010

Grippe A : peut-on croire les statistiques officielles ?

En Belgique on annonce  17 morts de cette grippe,  et qu'on est repassé en dessous du seuil épidémique. Or  on avait dit   par ailleurs qu'une personne sur 4.000 qui contracterait la maladie en  mourrait,   que 30 % de la population l'a eue, l'a ou l'aura, que la mortalité frappe aux  7/10  les personnes à risque et  on sait que la population belge est de dix millions.

Un bref  calcul  conduit à la conclusion qu'en Belgique, si on n'avait pas vacciné,  on aurait eu 10.000.000 x  30/100 x 1/4000  = 750 morts.  Or on estime que 1.5 million de Belges  ont été vaccinés. En supposant - hypothèse la plus favorable - que toutes les personnes à  risque aient été vaccinées cela laisse 8.5 millions de gens qui ont un risque  de  (10-7)/10 x 1/4.000 = 1/13.333,  s'ils  attrapent la maladie, donc une mortalité attendue d'au minimum 8.500.000 x 30/100  divisé par 13.333  = 191 décès. 

A moins de supposer que la maladie non seulement évoluera par vagues successives (3 pour la pandémie précédente) mais qu'elles seront aussi beaucoup plus meurtrières que la première,  on peut se demander si les statistiques ne sont pas  fausses.

Et  mon expérience personnelle corrobore ce raisonnement. J'ai rencontré au cours de ces trois derniers mois, cinq personnes qui m'ont dit  connaître quelqu'un  qui était  décédé  de cette grippe,  dont  il est vrai deux  à l'étranger,  mais  aucune de ces victimes  n'appartenait à un  groupe à risque.

Si   on  croit  vraiment que  la grippe A  pandémique H1N1v  n'a fait que 17 morts  en Belgique -  dont  les 7/10  devaient appartenir  à un groupe à risque - cela voudrait dire que  les gens que j'ai rencontré ces derniers mois connaissaient  par hasard  trois des  plus ou moins cinq  personnes qui  selon les statistiques  officielles auraient succombé  à cette grippe dans notre pays sans qu'on ait soupçonné chez eux de fragilité particulière.  Cela me semble assez peu vraisemblable....

mardi 12 janvier 2010

Réponse à Wolfgang Wodarg

Le médecin et épidémiologiste  allemand  Wolfgang Wodarg, président de la commission santé du Conseil de l'Europe est parti en guerre  contre l'OMS qu'il accuse d'être manipulée par des firmes pharmaceutiques  productrices de vaccins antigrippaux, et qui auraient ainsi obtenu que la pandémie  actuelle débouche - à tort selon lui -  sur des recommandations mondiales de vaccination généralisée. 

Wodarg  dit des choses intéressantes, on peut partager son étonnement devant le fait qu'on n'ait pas intégré le virus  H1N1v au vaccin saisonnier, qu'il eût sans doute  suffi de sortir un ou deux mois plus tard,  mais ce qui est  dérangeant dans son propos, c'est  qu'il opère une sélection d'arguments qui  d'une part font passer la  prudence des autorités comme de l'irresponsabilité et d'autre part reflètent une curieuse insensibilité au sort de  la plus grande partie de l'humanité.

Car Wodarg  oublie que lorsque la maladie a commencé au Mexique, elle a tué beaucoup de monde, il oublie qu'on a enregistré dans une ville mexicaine un taux de  contamination de 60 %, évidemment avec une pyramide des  âges différente de celle de l'Allemagne.

Il  insiste sur le fait  que les personnes de plus de 60 ans ont souvent une immunité contre le nouveau virus, mais  oublie que ce groupe d'âge représente une proportion  assez faible de la population mondiale, que  les autres n'ont pas eu l'occasion de rencontrer des virus qui leur auraient laissé une immunité fût-ce partielle et qu'on peut s'attendre  chez eux à une pénétration de la maladie proche et probablement supérieure à 50 %, contre 5 à 10 % pour la grippe saisonnière.

Il  oublie que le virus pandémique influenza A  H1N1v pénètre plus profondément dans les poumons que le virus de la grippe saisonnière et occasionne donc nettement plus souvent un syndrome de détresse respiratoire gravissime, très difficile à soigner. Il oublie qu'on a déjà observé l'émergence de souches plus virulentes qui ont tué  et constituent une menace d'autant plus sérieuse  qu'il existe plus de virus et de malades.  Il oublie le risque très grave (mortalité 10 fois supérieure)  que courent les femmes enceintes qui contractent cette grippe.  Il oublie que la pandémie n'est pas terminée, que la pandémie précédente a évolué en trois pics successifs et qu'aux Etats-Unis on en compte  déjà deux.

 Il oublie qu'on recommande de plus en plus la vaccination anti-grippale généralisée chez les jeunes (les dernières directives du CDC américain conseillent la vaccination annuelle systématique de  6 mois à 18 ans). Il oublie enfin - et ceci vaut  notamment pour la Belgique - que des vaccins adjuvantés au squalène  - comme le Pandemrix de GSK - sont  utilisés à grande échelle depuis 1997 et sans problème  pour vacciner contre la grippe les personnes âgées. A partir de 60 ans elles répondent de plus en plus mal au vaccin classique alors que dans certains pays on ne conseille de vacciner qu'à partir de 65 ans, une absurdité  que Wodarg  s'abstient  de souligner.

Il  est certain que M. Wodarg  n'est pas une femme, ne connaîtra jamais la grossesse, et je parie qu'il a plus de 60 ans. Il  est donc vrai qu'il n'a pas grand chose à redouter personnellement de cette grippe. Est-ce que cela influence son jugement ?  On peut se poser la question.

PRESENTATION

La pédiatrie du premier échelon est menacée. Elle se trouve clairement en situation délicate, sinon en crise.

Faut-il rappeler que les pédiatres sont par excellence les premiers médecins de l'enfant ?

Une formation spécifique les prépare, soutenue par un recyclage exigeant, complétée par l'expérience, essentielle à une médecine performante.

Ils ont des raisons de s'inquiéter quand le dossier médical global (DMG) est réservé aux généralistes, comme les subventions aux médecins informatisés, ou quand la presse cesse de publier les noms et numéros de téléphone des pédiatres de garde.

Quand le week-end, on parcourt certains journaux toutes boîtes, on y trouve plus facilement un vétérinaire qu'un pédiatre.

Et en salle d'urgence, où il n'est pas rare que l'attente atteigne plusieurs heures, on n'appelle pas toujours le pédiatre que les parents demandent.

Tout cela témoigne d'une évolution des mentalités, et de réglementations qui peu à peu tendent à priver la majorité des enfants d'une médecine mieux adaptée à leurs besoins.

* * *

Pour quelles raisons ? Il existe en Belgique un courant favorable à un échelonnement excluant les pédiatres de la première ligne des soins, alors que d’autres nations comme la France ou les Etats-Unis considèrent comme une évidence qu’ils y ont leur place.

L'insatisfaction des patients néerlandais ou britanniques, le coût budgétaire, social ou simplement humain de ces contraintes ne freinent pas leurs partisans et ne suffiront sans doute pas à les arrêter.

Les généralistes et les pédiatres, mais aussi les gynécologues, les internistes et à un degré moindre d’autres spécialistes ont tous à des titres divers un rôle à jouer au premier rang des soins.

La collaboration et l'échange d'informations entre médecins répondent à une exigence de continuité des traitements, de cohérence, d'efficacité et de maîtrise des coûts.

Pour y arriver nous avons besoin de réseaux informatisés, souples, évolutifs, ouverts sur la diversité et la complexité des situations. Un échelonnement figé imaginant la médecine comme une pyramide régie par des rapports autoritaires nous projetterait dans une époque révolue.

Ne pas le voir, c’est confondre rigueur et raideur, céder à des chimères qui risquent de déboucher, non sur une rationalité plus grande, mais sur le rationnement, la pénurie, les listes d’attente, le refus de soins et finalement une médecine à deux vitesses.

Car si on en a les moyens, on échappe plus facilement à ces inconvénients. Et on doit s'alarmer devant des signes qui ne trompent pas. Ainsi les témoignages s'accordent pour déplorer la dégradation du nursing hospitalier. Le dévouement du personnel ne suffit plus à compenser les normes insuffisantes, les horaires surchargés, les salaires inférieurs à ceux des pays voisins, ni à empêcher une crise majeure de recrutement.

* * *

Dans notre pays, on admet comme principes intangibles du service au patient, la facilité d'accès aux meilleurs soins possibles - y compris pour les moins favorisés - et la liberté de choisir son médecin - y compris le droit d'en consulter un autre ou d'en changer.

C'est un acquis de civilisation dont nous pouvons être fiers. Il est encore rare dans le monde d'aujourd'hui.

Mais pour les enfants, qu'en reste-t-il, quand les pédiatres sont systématiquement écartés du premier rang de la médecine ?

A la faveur d'un numerus clausus dont les choix n'ont pas été discutés comme ils auraient pu l'être, une pénurie de pédiatres (et d'autres spécialistes) s'est installée.

Elle pèse aujourd'hui sur la pédiatrie hospitalière, mais menace davantage la pédiatrie "de ville" qui risque la disparition pure et simple.

Il est de notre devoir, pour nos patients, pour nos confrères généralistes et spécialistes de dénoncer cette marginalisation de la pédiatrie.

Comment ne pas y voir une régression médicale et sociale, sans doute responsable d'un surcoût ? Reste à le chiffrer.

Car si les pédiatres sont spécialement formés à la médecine des enfants, cette formation, porteuse d'une prévention attentive, d'interventions précoces, d'examens complémentaires ciblés et de traitements efficaces se justifie aussi par sa rentabilité.

Et s'il faut une étude pour le confirmer, les données recueillies par l'Inami sont une mine d'informations à explorer...