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Ce blog est au service de la pédiatrie de première ligne. Il est ouvert à ceux et celles qui veulent la préserver.

jeudi 14 janvier 2010

Grippe A : peut-on croire les statistiques officielles ?

En Belgique on annonce  17 morts de cette grippe,  et qu'on est repassé en dessous du seuil épidémique. Or  on avait dit   par ailleurs qu'une personne sur 4.000 qui contracterait la maladie en  mourrait,   que 30 % de la population l'a eue, l'a ou l'aura, que la mortalité frappe aux  7/10  les personnes à risque et  on sait que la population belge est de dix millions.

Un bref  calcul  conduit à la conclusion qu'en Belgique, si on n'avait pas vacciné,  on aurait eu 10.000.000 x  30/100 x 1/4000  = 750 morts.  Or on estime que 1.5 million de Belges  ont été vaccinés. En supposant - hypothèse la plus favorable - que toutes les personnes à  risque aient été vaccinées cela laisse 8.5 millions de gens qui ont un risque  de  (10-7)/10 x 1/4.000 = 1/13.333,  s'ils  attrapent la maladie, donc une mortalité attendue d'au minimum 8.500.000 x 30/100  divisé par 13.333  = 191 décès. 

A moins de supposer que la maladie non seulement évoluera par vagues successives (3 pour la pandémie précédente) mais qu'elles seront aussi beaucoup plus meurtrières que la première,  on peut se demander si les statistiques ne sont pas  fausses.

Et  mon expérience personnelle corrobore ce raisonnement. J'ai rencontré au cours de ces trois derniers mois, cinq personnes qui m'ont dit  connaître quelqu'un  qui était  décédé  de cette grippe,  dont  il est vrai deux  à l'étranger,  mais  aucune de ces victimes  n'appartenait à un  groupe à risque.

Si   on  croit  vraiment que  la grippe A  pandémique H1N1v  n'a fait que 17 morts  en Belgique -  dont  les 7/10  devaient appartenir  à un groupe à risque - cela voudrait dire que  les gens que j'ai rencontré ces derniers mois connaissaient  par hasard  trois des  plus ou moins cinq  personnes qui  selon les statistiques  officielles auraient succombé  à cette grippe dans notre pays sans qu'on ait soupçonné chez eux de fragilité particulière.  Cela me semble assez peu vraisemblable....

mardi 12 janvier 2010

Réponse à Wolfgang Wodarg

Le médecin et épidémiologiste  allemand  Wolfgang Wodarg, président de la commission santé du Conseil de l'Europe est parti en guerre  contre l'OMS qu'il accuse d'être manipulée par des firmes pharmaceutiques  productrices de vaccins antigrippaux, et qui auraient ainsi obtenu que la pandémie  actuelle débouche - à tort selon lui -  sur des recommandations mondiales de vaccination généralisée. 

Wodarg  dit des choses intéressantes, on peut partager son étonnement devant le fait qu'on n'ait pas intégré le virus  H1N1v au vaccin saisonnier, qu'il eût sans doute  suffi de sortir un ou deux mois plus tard,  mais ce qui est  dérangeant dans son propos, c'est  qu'il opère une sélection d'arguments qui  d'une part font passer la  prudence des autorités comme de l'irresponsabilité et d'autre part reflètent une curieuse insensibilité au sort de  la plus grande partie de l'humanité.

Car Wodarg  oublie que lorsque la maladie a commencé au Mexique, elle a tué beaucoup de monde, il oublie qu'on a enregistré dans une ville mexicaine un taux de  contamination de 60 %, évidemment avec une pyramide des  âges différente de celle de l'Allemagne.

Il  insiste sur le fait  que les personnes de plus de 60 ans ont souvent une immunité contre le nouveau virus, mais  oublie que ce groupe d'âge représente une proportion  assez faible de la population mondiale, que  les autres n'ont pas eu l'occasion de rencontrer des virus qui leur auraient laissé une immunité fût-ce partielle et qu'on peut s'attendre  chez eux à une pénétration de la maladie proche et probablement supérieure à 50 %, contre 5 à 10 % pour la grippe saisonnière.

Il  oublie que le virus pandémique influenza A  H1N1v pénètre plus profondément dans les poumons que le virus de la grippe saisonnière et occasionne donc nettement plus souvent un syndrome de détresse respiratoire gravissime, très difficile à soigner. Il oublie qu'on a déjà observé l'émergence de souches plus virulentes qui ont tué  et constituent une menace d'autant plus sérieuse  qu'il existe plus de virus et de malades.  Il oublie le risque très grave (mortalité 10 fois supérieure)  que courent les femmes enceintes qui contractent cette grippe.  Il oublie que la pandémie n'est pas terminée, que la pandémie précédente a évolué en trois pics successifs et qu'aux Etats-Unis on en compte  déjà deux.

 Il oublie qu'on recommande de plus en plus la vaccination anti-grippale généralisée chez les jeunes (les dernières directives du CDC américain conseillent la vaccination annuelle systématique de  6 mois à 18 ans). Il oublie enfin - et ceci vaut  notamment pour la Belgique - que des vaccins adjuvantés au squalène  - comme le Pandemrix de GSK - sont  utilisés à grande échelle depuis 1997 et sans problème  pour vacciner contre la grippe les personnes âgées. A partir de 60 ans elles répondent de plus en plus mal au vaccin classique alors que dans certains pays on ne conseille de vacciner qu'à partir de 65 ans, une absurdité  que Wodarg  s'abstient  de souligner.

Il  est certain que M. Wodarg  n'est pas une femme, ne connaîtra jamais la grossesse, et je parie qu'il a plus de 60 ans. Il  est donc vrai qu'il n'a pas grand chose à redouter personnellement de cette grippe. Est-ce que cela influence son jugement ?  On peut se poser la question.

PRESENTATION

La pédiatrie du premier échelon est menacée. Elle se trouve clairement en situation délicate, sinon en crise.

Faut-il rappeler que les pédiatres sont par excellence les premiers médecins de l'enfant ?

Une formation spécifique les prépare, soutenue par un recyclage exigeant, complétée par l'expérience, essentielle à une médecine performante.

Ils ont des raisons de s'inquiéter quand le dossier médical global (DMG) est réservé aux généralistes, comme les subventions aux médecins informatisés, ou quand la presse cesse de publier les noms et numéros de téléphone des pédiatres de garde.

Quand le week-end, on parcourt certains journaux toutes boîtes, on y trouve plus facilement un vétérinaire qu'un pédiatre.

Et en salle d'urgence, où il n'est pas rare que l'attente atteigne plusieurs heures, on n'appelle pas toujours le pédiatre que les parents demandent.

Tout cela témoigne d'une évolution des mentalités, et de réglementations qui peu à peu tendent à priver la majorité des enfants d'une médecine mieux adaptée à leurs besoins.

* * *

Pour quelles raisons ? Il existe en Belgique un courant favorable à un échelonnement excluant les pédiatres de la première ligne des soins, alors que d’autres nations comme la France ou les Etats-Unis considèrent comme une évidence qu’ils y ont leur place.

L'insatisfaction des patients néerlandais ou britanniques, le coût budgétaire, social ou simplement humain de ces contraintes ne freinent pas leurs partisans et ne suffiront sans doute pas à les arrêter.

Les généralistes et les pédiatres, mais aussi les gynécologues, les internistes et à un degré moindre d’autres spécialistes ont tous à des titres divers un rôle à jouer au premier rang des soins.

La collaboration et l'échange d'informations entre médecins répondent à une exigence de continuité des traitements, de cohérence, d'efficacité et de maîtrise des coûts.

Pour y arriver nous avons besoin de réseaux informatisés, souples, évolutifs, ouverts sur la diversité et la complexité des situations. Un échelonnement figé imaginant la médecine comme une pyramide régie par des rapports autoritaires nous projetterait dans une époque révolue.

Ne pas le voir, c’est confondre rigueur et raideur, céder à des chimères qui risquent de déboucher, non sur une rationalité plus grande, mais sur le rationnement, la pénurie, les listes d’attente, le refus de soins et finalement une médecine à deux vitesses.

Car si on en a les moyens, on échappe plus facilement à ces inconvénients. Et on doit s'alarmer devant des signes qui ne trompent pas. Ainsi les témoignages s'accordent pour déplorer la dégradation du nursing hospitalier. Le dévouement du personnel ne suffit plus à compenser les normes insuffisantes, les horaires surchargés, les salaires inférieurs à ceux des pays voisins, ni à empêcher une crise majeure de recrutement.

* * *

Dans notre pays, on admet comme principes intangibles du service au patient, la facilité d'accès aux meilleurs soins possibles - y compris pour les moins favorisés - et la liberté de choisir son médecin - y compris le droit d'en consulter un autre ou d'en changer.

C'est un acquis de civilisation dont nous pouvons être fiers. Il est encore rare dans le monde d'aujourd'hui.

Mais pour les enfants, qu'en reste-t-il, quand les pédiatres sont systématiquement écartés du premier rang de la médecine ?

A la faveur d'un numerus clausus dont les choix n'ont pas été discutés comme ils auraient pu l'être, une pénurie de pédiatres (et d'autres spécialistes) s'est installée.

Elle pèse aujourd'hui sur la pédiatrie hospitalière, mais menace davantage la pédiatrie "de ville" qui risque la disparition pure et simple.

Il est de notre devoir, pour nos patients, pour nos confrères généralistes et spécialistes de dénoncer cette marginalisation de la pédiatrie.

Comment ne pas y voir une régression médicale et sociale, sans doute responsable d'un surcoût ? Reste à le chiffrer.

Car si les pédiatres sont spécialement formés à la médecine des enfants, cette formation, porteuse d'une prévention attentive, d'interventions précoces, d'examens complémentaires ciblés et de traitements efficaces se justifie aussi par sa rentabilité.

Et s'il faut une étude pour le confirmer, les données recueillies par l'Inami sont une mine d'informations à explorer...