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Ce blog est au service de la pédiatrie de première ligne. Il est ouvert à ceux et celles qui veulent la préserver.

mercredi 10 juin 2020


Quelle  réforme fiscale ?

L’impôt sur la fortune brandi sous des formes diverses par le PTB est  vu comme électoralement rentable, mais il s'agit d'un impôt sur les fortunés. Il   ne pourra jamais être qu'un coup d'épingle faute de quoi ils partiront. On peut y voir une version timide et peu adroite   de l'impôt sur le capital qui avait la faveur de nombre d'économistes libéraux, désireux de s'attaquer à l'imposition contre-productive et anti-sociale du travail.

La proposition la plus élaborée est  celle de Maurice Allais, prix de la Banque de Suède en 1988 (le "Nobel économique"), qui voulait une taxation forfaitaire annuelle de 2 % du seul capital physique (terrains, bâtiments, équipements, et stocks). Ces avoirs sont difficiles ou impossibles à délocaliser, dissimuler ou sous-estimer,  ce qui garantit l'impôt. On résout le problème posé par ces grandes entreprises qui parviennent   à échapper à toute imposition.  La taxe  est anonyme, sur des biens, utilisés ou non,  loués ou possédés par ceux qui en disposent. Un utilisateur efficace gagnera de l'argent, inefficace il en perdra et sera incité à vendre à un opérateur plus performant. Allais estimait son système favorable au dynamisme économique, dissuasif de la détention de biens improductifs, du gaspillage de ressources ou de capital et de la spéculation. On  traite  ceux qui détiennent un  capital  en  locataires d’un bien public.

Le précompte immobilier est une version partielle de cet impôt sur le capital. On taxe forfaitairement le bien pour ne pas imposer les loyers. En revanche il est payé avec de l'argent déjà taxé, c'est une double taxation. Si on était  rigoureux et cohérent, il serait  déductible du revenu imposable.  En effet une taxation du  capital n'exclut pas d'imposer le revenu des particuliers à l’IPP (impôt des personnes physiques)  mais si on veut   taxer équitablement les revenus de la propriété, y compris les plus values réalisées,  on remplacerait  ce dernier par la taxation du train de vie (« expenditure tax »), telle que proposée par James Meade (prix de la Banque de Suède 1977).

Le principe est simple :  toutes les rentrées d'argent sont globalisées pour former la base imposable y compris les dividendes, loyers perçus, salaires, honoraires, produits des ventes, et même les emprunts et remboursements. En revanche ce qui est soustrait à la consommation, comme  l’épargne et l’investissement,  y compris   l'achat d'un capital mobilier ou immobilier, mais aussi les frais d’entretien et la taxe payée sur ce capital, tout cela est déduit  de  cette base  imposable.

https://fr.wikipedia.org/wiki/James_Meade_(économiste)

L’idée de Meade a plusieurs  avantages.  Elle abaisse le seuil de revenus en dessous duquel il est impossible d’épargner, favorise l’accès à la propriété immobilière et mobilière, et  par ce biais  encourage l’esprit d’entreprise et facilite  l’initiative privée.  L’épargne et l’investissement, fiscalement déductibles, seront facilement  déclarés, et un registre des actifs économiques se constituera,   peu propice à l’évasion  de  capitaux  vers des paradis fiscaux.

Le  but de toute activité économique  étant la consommation, c’est elle qu’on taxe,   à l’impôt progressif. On traite  l’épargne et l’investissement comme une consommation différée, soumise tôt ou tard  à cette imposition  ou  aux droits de succession. 

Les revenus de la propriété sont  imposés  équitablement, selon le train de vie que le contribuable aura librement choisi, en fonction de ses moyens. Le système tient compte des plus-values et des pertes et évite le piège  dans lequel  tombe le précompte mobilier quand il   taxe  un  revenu nominal, partiellement ou totalement   fictif  puisqu’il ignore  l’inflation. 

Meade avait lui-même   émis des doutes sur la faisabilité  de  sa proposition,   qui remonte à l’après-guerre, mais l’informatique permet de surmonter  cette hésitation.

*   *   *
La lourdeur  des  prélèvements sur les salaires (cotisation patronale, salariale, précompte professionnel) dissuade  les embauches, encourage  les licenciements,  incite  à remplacer  le travail  par du capital.  D’autant plus que  les entreprises déduisent les investissements de leur  bénéfice imposable. Un impôt sur le capital  réduit  cette tentation. Il répond aussi  aux propositions de taxer à part  l’outil informatique  perçu comme menace sur l’emploi, un impôt  discutable et  peu favorable au télétravail, contrairement à un impôt sur le capital  valorisant  la réduction des locaux occupés.

Pour l’entreprise, l’impôt sur le capital   une fois payé, ce qui reste des bénéfices (réinvestissements, dividendes, salaires)  pourrait   être  défiscalisé.  Le plus possible et c’est  le but.  Réduire  la différence entre le salaire brut et le salaire net diminue  le coût du travail.   En revanche  quand  ce qui est réinvesti  renforce le capital, sa taxation augmente.

Maurice Allais  voulait se servir de l’impôt sur le capital pour  abolir complètement l’imposition du  travail,  c'est-à-dire la taxation des  bénéfices des entreprises mais aussi l’impôt sur le revenu des particuliers.  Il avait montré que ce serait possible si l’Etat récupérait les bénéfices de la  création de la monnaie par le crédit, abandonnés à des banques privées.  L’euro et  le rachat de titres des dettes publiques par la Banque centrale européenne ont changé la donne, mais  une autre idée est en train de surgir  pour financer l’Etat : la micro-taxe. 

Il s’agirait d’un prélèvement minime de 0.5 %, indolore pour les particuliers, sur chaque transaction électronique.  Les frais de perception seraient insignifiants,  une adaptation du logiciel des banques suffirait. 

Ses partisans soutiennent que le  volume  annuel  des  échanges  est si important,  au moins  cinquante à cent fois le PIB que le rendement de la  taxe  permettrait de remplacer tous les impôts actuels  et de financer   un revenu de base  pour les résidents légaux,  afin de combattre la pauvreté et  renforcer ou  compléter  la Sécurité sociale.

L’idée est intéressante  mais  demande à  être nuancée. L’appartenance à l’UE empêche d’abolir la TVA. On pourra la réduire mais pas la supprimer et cet impôt  joue un rôle  dans la préservation du tissu industriel : il frappe   les importations en épargnant  les exportations.  Ensuite,  si on introduit  un revenu universel,  on voit mal comment renoncer à un impôt  progressif permettant de le récupérer chez ceux qui n’en ont nul besoin.  Enfin, si le volume des transactions électroniques est si élevé,  c’est en raison d’échanges spéculatifs déconnectés de l’économie réelle, y compris le « trading à haute vitesse » .

Une taxe sur des transactions de ce type deviendrait vite impayable. Le secteur financier s’adaptera, en les réduisant ou en les transférant hors d’atteinte du fisc. Au total le rendement de la taxe sera moindre qu’espéré, même s’il autorise une réduction substantielle de l’impôt sur le revenu, excessif en Belgique et d’abord pour relever un seuil de taxation qui frôle  le minimum vital. Plus fondamentalement une micro-taxe sur les transactions électroniques opérerait un transfert fiscal, un     « tax shift » aux dépens du secteur financier et au bénéfice des particuliers.

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Baudouin Petit
8-06-2020

vendredi 1 février 2013

A quand une vraie politique de santé publique contre la grippe ?


Devant la grippe, on a en Belgique une politique incohérente, qui paraît ignorer à peu près tout ce qu'on connaît. 

On sait qu'il existe deux groupes d'âge à haut risque de complications et d'hospitalisations : les adultes de plus de 65 ans et les enfants avant  5 ans, surtout ceux de moins de deux ans. 

On ne conseille de vacciner que les vieux, oubliant qu'à cet âge l'efficacité du vaccin est très réduite pour ne pas dire souvent nulle. Des vaccins plus immunogènes, contenant un adjuvant (squalène) ou administrés en intradermique sont proposés pour répondre à ce problème, mais les premiers  ne sont pas disponibles chez  nous, et les autres peu utilisés par les médecins traitants belges.   

Et alors que le vaccin avant 65 ans est très efficace, à condition de le faire chaque année, et que les bénéfices persistent, aidant à protéger ces patients quand ils auront vieilli, on n'insiste pas du tout sur cette notion ...

Quant aux personnes très âgées dans les maisons de repos, on sait que la seule manière de les protéger est de vacciner leur entourage, principalement le personnel du home, ce qu'on fait peu, et qu'on n’exige jamais. 

Les nourrissons avant six mois, eux aussi,  ne peuvent être protégés qu'indirectement  :  si on a pris la précaution de vacciner leur mère pendant la grossesse.  La plupart des gynécologues n'y pensent même  pas. 

Par contraste,  les Américains vaccinent dès l'âge de six mois, constatent un bénéfice chez les nourrissons en collectivité, et chez les jeunes  dans tout le système scolaire, y compris l’enseignement supérieur, et cet avantage s’étend aux familles, puisque c’est par les écoles que la maladie se propage le plus, notamment aux parents des enfants grippés.  

En forçant à peine le trait on peut dire que nos autorités sanitaires négligent ceux chez qui le vaccin serait le plus efficace, voire salvateur, pour privilégier ceux chez qui il l’est beaucoup moins, voire  pas du tout. 

vendredi 24 septembre 2010

Le respect de l'enfance : une notion neuve

L’utilisation sexuelle des enfants  fait l’objet d’une prise de conscience  nouvelle.  L’indignation et l’inquiétude vont croissant et  débouchent sur  beaucoup de questions.

L’Eglise catholique est loin d’être seule en cause. La plupart des abus (on cite le chiffre de 85 %) sont intrafamiliaux, on a signalé des  cas de pédophilie dans des internats laïcs,  des écoles coraniques ou perpétrés par des rabbins  et des  pasteurs protestants.

D’autres rappellent que la pédérastie était  socialement acceptée en Grèce antique, ou encore aujourd’hui  dans des tribus de Nouvelle-Guinée.  Au Moyen-Âge européen, des familles pauvres, pour manger,  prostituaient  leurs enfants. Et  on rapporte que le fondateur de l’islam a épousé une enfant  de 8 ans et  consommé le mariage quand elle avait 12 ans.

Le respect de l’enfance  est une notion neuve.  La dépendance infantile,  totale à la naissance,  ne se résout que lentement. Dès lors,  la reconnaissance de  l'intimité d'un enfant  comme une limite et un droit fait souvent défaut  à des proches qui n’expriment pas toujours la retenue  qui irait de soi  avec un  adulte.

Le célibat imposé au clergé catholique  l’expose-t-il  particulièrement à  cette déviance ?  La réponse n’est pas simple.  Aux Pays-Bas, une enquête auprès des prêtres catholiques a révélé que la moitié se considéraient comme d’orientation homosexuelle. Une proportion très supérieure à la normale  généralement estimée à 5-15 % selon les contextes socio-culturels. Les homosexuels feraient-ils de plus fervents chrétiens ?  Difficile à croire.  Il  semble plus probable que  la valorisation du célibat, et la règle qui l’impose,  opèrent  un biais de sélection qui  dissuade les hétérosexuels, d’autant plus qu’ils  sont dotés  d’une sexualité ou d’une libido forte, et   ressentent profondément qu'il  n’est pas bon que l’homme soit seul

Et  pourquoi n’est-ce  pas bon ?   Une  sexualité normale contribue à  la  santé psychique  et physique. L’interdire à un adulte, c’est  prendre le risque de le fragiliser,  rendre  plus difficile l’équilibre affectif, moral et mental. Tant qu'on refusera d'admettre qu'on crée une situation malsaine, potentiellement perverse, en écartant ainsi  des  hommes - et des femmes - qui  entendent assumer leur sexualité,  le grand public, croyant ou non, gardera ses doutes sur la bonne foi  de  l'Eglise.

Le catholicisme s'inscrit dans  le temps et  l'histoire.  Comme d’autres religions,  il exprime une culture séculaire peu respectueuse de l’intimité, de la  liberté personnelle et de la diversité.  La règle du célibat, l’interdiction du divorce, les  condamnations  de la contraception et de l’homosexualité, la diabolisation de l’avortement,  voire le sacrement de confession,  légitiment  des intrusions de l’institution ecclésiale et du clergé  dans les consciences,  les profondeurs mystérieuses des personnalités, les pensées, les décisions et les comportements  les plus intimes. Et on ne s’étonnera pas qu'elles soient  souvent  maladroites, inadaptées, parfois brutales,  oublieuses de l'antique sagesse qui  laissait  à l'Eternel  le soin  de sonder les reins et les coeurs.

On a incriminé  la misère sexuelle et la solitude  pour expliquer  les dérapages pédophiles  de  certains membres du clergé. Parfois, la relation de cause à effet  ne fait guère de doute.  On a  négligé l'avertissement de Pascal :  qui veut faire l'ange, fait la bête.  Mais  je me demande si le mal n’est pas   plus profond. Et s’il ne faut pas  dénoncer  tout autant une culture de l’irrespect  comme dangereuse  et   propice à  l’exploitation sexuelle des plus vulnérables et  des plus immatures.    

jeudi 14 janvier 2010

Grippe A : peut-on croire les statistiques officielles ?

En Belgique on annonce  17 morts de cette grippe,  et qu'on est repassé en dessous du seuil épidémique. Or  on avait dit   par ailleurs qu'une personne sur 4.000 qui contracterait la maladie en  mourrait,   que 30 % de la population l'a eue, l'a ou l'aura, que la mortalité frappe aux  7/10  les personnes à risque et  on sait que la population belge est de dix millions.

Un bref  calcul  conduit à la conclusion qu'en Belgique, si on n'avait pas vacciné,  on aurait eu 10.000.000 x  30/100 x 1/4000  = 750 morts.  Or on estime que 1.5 million de Belges  ont été vaccinés. En supposant - hypothèse la plus favorable - que toutes les personnes à  risque aient été vaccinées cela laisse 8.5 millions de gens qui ont un risque  de  (10-7)/10 x 1/4.000 = 1/13.333,  s'ils  attrapent la maladie, donc une mortalité attendue d'au minimum 8.500.000 x 30/100  divisé par 13.333  = 191 décès. 

A moins de supposer que la maladie non seulement évoluera par vagues successives (3 pour la pandémie précédente) mais qu'elles seront aussi beaucoup plus meurtrières que la première,  on peut se demander si les statistiques ne sont pas  fausses.

Et  mon expérience personnelle corrobore ce raisonnement. J'ai rencontré au cours de ces trois derniers mois, cinq personnes qui m'ont dit  connaître quelqu'un  qui était  décédé  de cette grippe,  dont  il est vrai deux  à l'étranger,  mais  aucune de ces victimes  n'appartenait à un  groupe à risque.

Si   on  croit  vraiment que  la grippe A  pandémique H1N1v  n'a fait que 17 morts  en Belgique -  dont  les 7/10  devaient appartenir  à un groupe à risque - cela voudrait dire que  les gens que j'ai rencontré ces derniers mois connaissaient  par hasard  trois des  plus ou moins cinq  personnes qui  selon les statistiques  officielles auraient succombé  à cette grippe dans notre pays sans qu'on ait soupçonné chez eux de fragilité particulière.  Cela me semble assez peu vraisemblable....

mardi 12 janvier 2010

Réponse à Wolfgang Wodarg

Le médecin et épidémiologiste  allemand  Wolfgang Wodarg, président de la commission santé du Conseil de l'Europe est parti en guerre  contre l'OMS qu'il accuse d'être manipulée par des firmes pharmaceutiques  productrices de vaccins antigrippaux, et qui auraient ainsi obtenu que la pandémie  actuelle débouche - à tort selon lui -  sur des recommandations mondiales de vaccination généralisée. 

Wodarg  dit des choses intéressantes, on peut partager son étonnement devant le fait qu'on n'ait pas intégré le virus  H1N1v au vaccin saisonnier, qu'il eût sans doute  suffi de sortir un ou deux mois plus tard,  mais ce qui est  dérangeant dans son propos, c'est  qu'il opère une sélection d'arguments qui  d'une part font passer la  prudence des autorités comme de l'irresponsabilité et d'autre part reflètent une curieuse insensibilité au sort de  la plus grande partie de l'humanité.

Car Wodarg  oublie que lorsque la maladie a commencé au Mexique, elle a tué beaucoup de monde, il oublie qu'on a enregistré dans une ville mexicaine un taux de  contamination de 60 %, évidemment avec une pyramide des  âges différente de celle de l'Allemagne.

Il  insiste sur le fait  que les personnes de plus de 60 ans ont souvent une immunité contre le nouveau virus, mais  oublie que ce groupe d'âge représente une proportion  assez faible de la population mondiale, que  les autres n'ont pas eu l'occasion de rencontrer des virus qui leur auraient laissé une immunité fût-ce partielle et qu'on peut s'attendre  chez eux à une pénétration de la maladie proche et probablement supérieure à 50 %, contre 5 à 10 % pour la grippe saisonnière.

Il  oublie que le virus pandémique influenza A  H1N1v pénètre plus profondément dans les poumons que le virus de la grippe saisonnière et occasionne donc nettement plus souvent un syndrome de détresse respiratoire gravissime, très difficile à soigner. Il oublie qu'on a déjà observé l'émergence de souches plus virulentes qui ont tué  et constituent une menace d'autant plus sérieuse  qu'il existe plus de virus et de malades.  Il oublie le risque très grave (mortalité 10 fois supérieure)  que courent les femmes enceintes qui contractent cette grippe.  Il oublie que la pandémie n'est pas terminée, que la pandémie précédente a évolué en trois pics successifs et qu'aux Etats-Unis on en compte  déjà deux.

 Il oublie qu'on recommande de plus en plus la vaccination anti-grippale généralisée chez les jeunes (les dernières directives du CDC américain conseillent la vaccination annuelle systématique de  6 mois à 18 ans). Il oublie enfin - et ceci vaut  notamment pour la Belgique - que des vaccins adjuvantés au squalène  - comme le Pandemrix de GSK - sont  utilisés à grande échelle depuis 1997 et sans problème  pour vacciner contre la grippe les personnes âgées. A partir de 60 ans elles répondent de plus en plus mal au vaccin classique alors que dans certains pays on ne conseille de vacciner qu'à partir de 65 ans, une absurdité  que Wodarg  s'abstient  de souligner.

Il  est certain que M. Wodarg  n'est pas une femme, ne connaîtra jamais la grossesse, et je parie qu'il a plus de 60 ans. Il  est donc vrai qu'il n'a pas grand chose à redouter personnellement de cette grippe. Est-ce que cela influence son jugement ?  On peut se poser la question.

dimanche 6 décembre 2009

Les enfants oubliés par la vaccination contre la grippe A

Après avoir un peu hésité, j'ai commencé à vacciner contre la grippe A (H1N1v).

Je n'ai pas eu le choix. Ce qui m'a décidé, c'est le refus exprimé par certains confrères généralistes de vacciner des enfants à risque que je leur envoyais, alors que les omnipraticiens sont les seuls vaccinateurs prévus par le gouvernement en dehors du milieu hospitalier.

L'un d'entre eux n'a pas voulu vacciner une jeune fille de 11 ans, qui présentait probablement une coqueluche atténuée, estimant qu'à cet âge elle n'avait plus à consulter un pédiatre, et par ailleurs que les pédiatres n'avaient qu'à prendre leurs responsabilités.

Je les ai donc prises. Après tout sur ce dernier point, il n'avait pas tort.

J'ai pu ainsi, un peu mieux et concrètement, toucher du doigt l'inadaptation de l'organisation officielle aux soins des enfants.

Les autorités sanitaires européennes (ECDC) s'accordent à estimer que les enfants de moins de 2 ans (aux Etats-Unis on dit parfois 5 ans) forment un groupe à risque de complications et d'hospitalisations.

C'est pourquoi les parents d'enfants de moins de six mois sont prioritaires. On les incite à se vacciner pour protéger leur bébé, car avant l'âge de six mois, le vaccin est inefficace et non validé.

On a oublié que ce bébé peut avoir des frères et soeurs, susceptibles de lui passer la grippe, mais ceux-là, on ne les vaccine pas.

Surtout, on aurait pu s'attendre à ce que dès six mois, âge auquel on peut les vacciner, les bébés deviennent prioritaires. Pas du tout. C'est comme si on on cessait de s'y intéresser dès qu'il devient possible de les protéger directement.

Les enfants d'âge scolaire semblent également négligés. Alors qu'en France on organise des vaccinations collectives dans les écoles, où le virus se propage sans doute plus que partout ailleurs, en Belgique on ne vaccine que les enseignants et le personnel. Pourtant les élèves transmettent la maladie, tout autant sinon davantage, et on voit mal pourquoi leur absentéisme, leur santé, leur vie auraient moins d'importance.

En somme toutes les ressources médicales réservées à l'enfance sont écartées de la vaccination. On ne vaccine pas dans les consultations de nourrissons (ONE, Kind & Gezin), ni  en crèche ou dans  les autres milieux d'accueil,  ni dans les consultations scolaires (PSE),  ni chez les pédiatres de première ligne.

Ces discriminations sont d'autant plus regrettables que l'oseltamivir (Tamiflu), préconisé dès qu'on soupçonne une grippe H1N1v d'allure préoccupante, s'utilise moins volontiers que chez l'adulte - et donc rarement à temps - par crainte d'effets secondaires plus graves chez les enfants et adolescents.

Cette étrange pédamnésie  se retrouve dans les moindres détails. Les feuilles de rapport officielles prévoient dix vaccinations, car les kits contiennent un flacon multidoses, ainsi que dix seringues et aiguilles pour administrer le vaccin. Après reconstitution, le flacon contient 5 ml, permettant théoriquement d'administrer 0.5 ml à dix adultes et enfants de plus de 9 ans.

Mais pour les enfants de moins de 9 ans, la dose de Pandemrix  n'est que de 0.25 ml.  et il faut deux doses à trois semaines d'intervalle au moins. Beaucoup de médecins ignorent ce schéma  car il  n'apparaît  pas dans la notice  remise aux patients.  Alors qu'elle  prend soin de signaler qu'un schéma particulier peut s'appliquer "si vous avez plus de 80 ans".  Il est vrai que les  jeunes enfants lisent rarement les notices...

Les  flacons permettent  donc de vacciner davantage d'enfants que d'adultes, mais les feuilles de rapport n'en tiennent aucun  compte, et ceux qui vaccinent doivent recourir à des seringues et des aiguilles supplémentaires, adaptées de préférence à la pédiatrie, car les aiguilles fournies par les autorités sont trop longues (3 cm) pour les enfants les plus jeunes ou les plus maigres (et même certains adultes injectés dans le deltoïde).

Les pédiatres disposent en général de ce matériel, mais jusqu'à présent leur collaboration n'est pas prévue...

jeudi 26 novembre 2009

Grippe A/H1N1v : la politique (anti) vaccinale du gouvernement

Alors qu'en France on démarre la vaccination collective dans les collèges et lycées, en Belgique on en est toujours à empêcher de vacciner, sauf les groupes à risque. Dans lesquels on inclut le personnel médical, les enseignants et les parents d'enfants de moins de six mois, chez qui le vaccin n'est pas recommandé.

Bref on vaccine d'abord ceux qui pourraient transmettre la maladie à d'autres, en oubliant un peu - ou beaucoup - ces autres. On ne prévoit même pas de vacciner les élèves dans les écoles, comme si les adultes y étaient les principaux vecteurs du virus (c'est évidemment faux).

Les résultats de cette approche restrictive ne sont guère brillants. Passons sur l'échec des autorités à surmonter les réticences des professionnels de la santé eux-mêmes. Ils n'échappent pas tous à la désinformation qui sévit sur internet. Dans les hôpitaux le taux de vaccination ne dépasse guère 20 à 30 %.

Il y a pire. Les femmes enceintes sont un groupe à risque mais on interdit aux gynécologues de les vacciner. Les très jeunes enfants sont un groupe à risque mais on a oublié que beaucoup de pédiatres sont les seuls médecins de l'enfant. On ne vaccine pas dans les consultations de nourrissons. Les asthmatiques, les bronchiteux chroniques sont un groupe à risque mais les pneumologues ne peuvent pas vacciner. Pas plus que les cardiologues, les gériatres ou les internistes en général. Sauf en milieu hospitalier.

Il n'est pas étonnant que les vaccins inutilisés s'accumulent dans les pharmacies.

Les spécialistes extra-hospitaliers sont oubliés. On a tout misé sur les généralistes. Sans se rendre compte qu'ils suivent relativement moins de patients à risque et qu'on leur impose des exigences contradictoires. Il leur est demandé, en même temps de ne vacciner que des groupes à risque, mais aussi de ne pas gaspiller le vaccin.

Or on ne dispose que de flacons multidoses pour dix vaccinations, et qui doivent impérativement être utilisés dans les 24 heures. Quels sont les généralistes qui réussiront à vacciner exactement dix patients (ou vingt, ou trente) sur la même journée ? Certains médecins scrupuleux attendent d'avoir assez de demandeurs officiellement à risque pour organiser une séance de vaccinations, et les patients attendent parfois quinze jours. Pas vraiment idéal comme gestion du risque.

D'autres vaccinent tous ceux qui le demandent, ils ne trient pas ou plus, s'ils l'ont jamais fait. Car un omnipraticien qui aurait sur la même journée réussi à vacciner une femme enceinte, un asthmatique, un obèse, un cardiaque, un bronchiteux chronique, un vieillard, un enseignant, une infirmière, et les deux parents d'un bébé de moins de six mois, aura effectivement utilisé ses dix doses. Je doute que des situations analogues se présentent souvent en médecine générale. Il y a forcément du déchet.

Que faire des doses qui restent, sans doute nombreuses ? Les jeter ou tenter de les administrer à des patients ordinaires ? Quoi que disent ou souhaitent les autorités, on se trouve déjà dans une situation où beaucoup de médecins vaccinent tous ceux qui se présentent.

C'est tant mieux, mais je trouve surprenant que la désobéissance civile soit devenue en quelque sorte le seul moyen pour les médecins de faire leur travail.

PRESENTATION

La pédiatrie du premier échelon est menacée. Elle se trouve clairement en situation délicate, sinon en crise.

Faut-il rappeler que les pédiatres sont par excellence les premiers médecins de l'enfant ?

Une formation spécifique les prépare, soutenue par un recyclage exigeant, complétée par l'expérience, essentielle à une médecine performante.

Ils ont des raisons de s'inquiéter quand le dossier médical global (DMG) est réservé aux généralistes, comme les subventions aux médecins informatisés, ou quand la presse cesse de publier les noms et numéros de téléphone des pédiatres de garde.

Quand le week-end, on parcourt certains journaux toutes boîtes, on y trouve plus facilement un vétérinaire qu'un pédiatre.

Et en salle d'urgence, où il n'est pas rare que l'attente atteigne plusieurs heures, on n'appelle pas toujours le pédiatre que les parents demandent.

Tout cela témoigne d'une évolution des mentalités, et de réglementations qui peu à peu tendent à priver la majorité des enfants d'une médecine mieux adaptée à leurs besoins.

* * *

Pour quelles raisons ? Il existe en Belgique un courant favorable à un échelonnement excluant les pédiatres de la première ligne des soins, alors que d’autres nations comme la France ou les Etats-Unis considèrent comme une évidence qu’ils y ont leur place.

L'insatisfaction des patients néerlandais ou britanniques, le coût budgétaire, social ou simplement humain de ces contraintes ne freinent pas leurs partisans et ne suffiront sans doute pas à les arrêter.

Les généralistes et les pédiatres, mais aussi les gynécologues, les internistes et à un degré moindre d’autres spécialistes ont tous à des titres divers un rôle à jouer au premier rang des soins.

La collaboration et l'échange d'informations entre médecins répondent à une exigence de continuité des traitements, de cohérence, d'efficacité et de maîtrise des coûts.

Pour y arriver nous avons besoin de réseaux informatisés, souples, évolutifs, ouverts sur la diversité et la complexité des situations. Un échelonnement figé imaginant la médecine comme une pyramide régie par des rapports autoritaires nous projetterait dans une époque révolue.

Ne pas le voir, c’est confondre rigueur et raideur, céder à des chimères qui risquent de déboucher, non sur une rationalité plus grande, mais sur le rationnement, la pénurie, les listes d’attente, le refus de soins et finalement une médecine à deux vitesses.

Car si on en a les moyens, on échappe plus facilement à ces inconvénients. Et on doit s'alarmer devant des signes qui ne trompent pas. Ainsi les témoignages s'accordent pour déplorer la dégradation du nursing hospitalier. Le dévouement du personnel ne suffit plus à compenser les normes insuffisantes, les horaires surchargés, les salaires inférieurs à ceux des pays voisins, ni à empêcher une crise majeure de recrutement.

* * *

Dans notre pays, on admet comme principes intangibles du service au patient, la facilité d'accès aux meilleurs soins possibles - y compris pour les moins favorisés - et la liberté de choisir son médecin - y compris le droit d'en consulter un autre ou d'en changer.

C'est un acquis de civilisation dont nous pouvons être fiers. Il est encore rare dans le monde d'aujourd'hui.

Mais pour les enfants, qu'en reste-t-il, quand les pédiatres sont systématiquement écartés du premier rang de la médecine ?

A la faveur d'un numerus clausus dont les choix n'ont pas été discutés comme ils auraient pu l'être, une pénurie de pédiatres (et d'autres spécialistes) s'est installée.

Elle pèse aujourd'hui sur la pédiatrie hospitalière, mais menace davantage la pédiatrie "de ville" qui risque la disparition pure et simple.

Il est de notre devoir, pour nos patients, pour nos confrères généralistes et spécialistes de dénoncer cette marginalisation de la pédiatrie.

Comment ne pas y voir une régression médicale et sociale, sans doute responsable d'un surcoût ? Reste à le chiffrer.

Car si les pédiatres sont spécialement formés à la médecine des enfants, cette formation, porteuse d'une prévention attentive, d'interventions précoces, d'examens complémentaires ciblés et de traitements efficaces se justifie aussi par sa rentabilité.

Et s'il faut une étude pour le confirmer, les données recueillies par l'Inami sont une mine d'informations à explorer...