Je n'ai pas eu le choix. Ce qui m'a décidé, c'est le refus exprimé par certains confrères généralistes de vacciner des enfants à risque que je leur envoyais, alors que les omnipraticiens sont les seuls vaccinateurs prévus par le gouvernement en dehors du milieu hospitalier.
L'un d'entre eux n'a pas voulu vacciner une jeune fille de 11 ans, qui présentait probablement une coqueluche atténuée, estimant qu'à cet âge elle n'avait plus à consulter un pédiatre, et par ailleurs que les pédiatres n'avaient qu'à prendre leurs responsabilités.
Je les ai donc prises. Après tout sur ce dernier point, il n'avait pas tort.
J'ai pu ainsi, un peu mieux et concrètement, toucher du doigt l'inadaptation de l'organisation officielle aux soins des enfants.
Les autorités sanitaires européennes (ECDC) s'accordent à estimer que les enfants de moins de 2 ans (aux Etats-Unis on dit parfois 5 ans) forment un groupe à risque de complications et d'hospitalisations.
C'est pourquoi les parents d'enfants de moins de six mois sont prioritaires. On les incite à se vacciner pour protéger leur bébé, car avant l'âge de six mois, le vaccin est inefficace et non validé.
On a oublié que ce bébé peut avoir des frères et soeurs, susceptibles de lui passer la grippe, mais ceux-là, on ne les vaccine pas.
Surtout, on aurait pu s'attendre à ce que dès six mois, âge auquel on peut les vacciner, les bébés deviennent prioritaires. Pas du tout. C'est comme si on on cessait de s'y intéresser dès qu'il devient possible de les protéger directement.
Les enfants d'âge scolaire semblent également négligés. Alors qu'en France on organise des vaccinations collectives dans les écoles, où le virus se propage sans doute plus que partout ailleurs, en Belgique on ne vaccine que les enseignants et le personnel. Pourtant les élèves transmettent la maladie, tout autant sinon davantage, et on voit mal pourquoi leur absentéisme, leur santé, leur vie auraient moins d'importance.
En somme toutes les ressources médicales réservées à l'enfance sont écartées de la vaccination. On ne vaccine pas dans les consultations de nourrissons (ONE, Kind & Gezin), ni en crèche ou dans les autres milieux d'accueil, ni dans les consultations scolaires (PSE), ni chez les pédiatres de première ligne.
Ces discriminations sont d'autant plus regrettables que l'oseltamivir (Tamiflu), préconisé dès qu'on soupçonne une grippe H1N1v d'allure préoccupante, s'utilise moins volontiers que chez l'adulte - et donc rarement à temps - par crainte d'effets secondaires plus graves chez les enfants et adolescents.
Cette étrange pédamnésie se retrouve dans les moindres détails. Les feuilles de rapport officielles prévoient dix vaccinations, car les kits contiennent un flacon multidoses, ainsi que dix seringues et aiguilles pour administrer le vaccin. Après reconstitution, le flacon contient 5 ml, permettant théoriquement d'administrer 0.5 ml à dix adultes et enfants de plus de 9 ans.
Mais pour les enfants de moins de 9 ans, la dose de Pandemrix n'est que de 0.25 ml. et il faut deux doses à trois semaines d'intervalle au moins. Beaucoup de médecins ignorent ce schéma car il n'apparaît pas dans la notice remise aux patients. Alors qu'elle prend soin de signaler qu'un schéma particulier peut s'appliquer "si vous avez plus de 80 ans". Il est vrai que les jeunes enfants lisent rarement les notices...
Les flacons permettent donc de vacciner davantage d'enfants que d'adultes, mais les feuilles de rapport n'en tiennent aucun compte, et ceux qui vaccinent doivent recourir à des seringues et des aiguilles supplémentaires, adaptées de préférence à la pédiatrie, car les aiguilles fournies par les autorités sont trop longues (3 cm) pour les enfants les plus jeunes ou les plus maigres (et même certains adultes injectés dans le deltoïde).
Les pédiatres disposent en général de ce matériel, mais jusqu'à présent leur collaboration n'est pas prévue...