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Ce blog est au service de la pédiatrie de première ligne. Il est ouvert à ceux et celles qui veulent la préserver.

dimanche 6 décembre 2009

Les enfants oubliés par la vaccination contre la grippe A

Après avoir un peu hésité, j'ai commencé à vacciner contre la grippe A (H1N1v).

Je n'ai pas eu le choix. Ce qui m'a décidé, c'est le refus exprimé par certains confrères généralistes de vacciner des enfants à risque que je leur envoyais, alors que les omnipraticiens sont les seuls vaccinateurs prévus par le gouvernement en dehors du milieu hospitalier.

L'un d'entre eux n'a pas voulu vacciner une jeune fille de 11 ans, qui présentait probablement une coqueluche atténuée, estimant qu'à cet âge elle n'avait plus à consulter un pédiatre, et par ailleurs que les pédiatres n'avaient qu'à prendre leurs responsabilités.

Je les ai donc prises. Après tout sur ce dernier point, il n'avait pas tort.

J'ai pu ainsi, un peu mieux et concrètement, toucher du doigt l'inadaptation de l'organisation officielle aux soins des enfants.

Les autorités sanitaires européennes (ECDC) s'accordent à estimer que les enfants de moins de 2 ans (aux Etats-Unis on dit parfois 5 ans) forment un groupe à risque de complications et d'hospitalisations.

C'est pourquoi les parents d'enfants de moins de six mois sont prioritaires. On les incite à se vacciner pour protéger leur bébé, car avant l'âge de six mois, le vaccin est inefficace et non validé.

On a oublié que ce bébé peut avoir des frères et soeurs, susceptibles de lui passer la grippe, mais ceux-là, on ne les vaccine pas.

Surtout, on aurait pu s'attendre à ce que dès six mois, âge auquel on peut les vacciner, les bébés deviennent prioritaires. Pas du tout. C'est comme si on on cessait de s'y intéresser dès qu'il devient possible de les protéger directement.

Les enfants d'âge scolaire semblent également négligés. Alors qu'en France on organise des vaccinations collectives dans les écoles, où le virus se propage sans doute plus que partout ailleurs, en Belgique on ne vaccine que les enseignants et le personnel. Pourtant les élèves transmettent la maladie, tout autant sinon davantage, et on voit mal pourquoi leur absentéisme, leur santé, leur vie auraient moins d'importance.

En somme toutes les ressources médicales réservées à l'enfance sont écartées de la vaccination. On ne vaccine pas dans les consultations de nourrissons (ONE, Kind & Gezin), ni  en crèche ou dans  les autres milieux d'accueil,  ni dans les consultations scolaires (PSE),  ni chez les pédiatres de première ligne.

Ces discriminations sont d'autant plus regrettables que l'oseltamivir (Tamiflu), préconisé dès qu'on soupçonne une grippe H1N1v d'allure préoccupante, s'utilise moins volontiers que chez l'adulte - et donc rarement à temps - par crainte d'effets secondaires plus graves chez les enfants et adolescents.

Cette étrange pédamnésie  se retrouve dans les moindres détails. Les feuilles de rapport officielles prévoient dix vaccinations, car les kits contiennent un flacon multidoses, ainsi que dix seringues et aiguilles pour administrer le vaccin. Après reconstitution, le flacon contient 5 ml, permettant théoriquement d'administrer 0.5 ml à dix adultes et enfants de plus de 9 ans.

Mais pour les enfants de moins de 9 ans, la dose de Pandemrix  n'est que de 0.25 ml.  et il faut deux doses à trois semaines d'intervalle au moins. Beaucoup de médecins ignorent ce schéma  car il  n'apparaît  pas dans la notice  remise aux patients.  Alors qu'elle  prend soin de signaler qu'un schéma particulier peut s'appliquer "si vous avez plus de 80 ans".  Il est vrai que les  jeunes enfants lisent rarement les notices...

Les  flacons permettent  donc de vacciner davantage d'enfants que d'adultes, mais les feuilles de rapport n'en tiennent aucun  compte, et ceux qui vaccinent doivent recourir à des seringues et des aiguilles supplémentaires, adaptées de préférence à la pédiatrie, car les aiguilles fournies par les autorités sont trop longues (3 cm) pour les enfants les plus jeunes ou les plus maigres (et même certains adultes injectés dans le deltoïde).

Les pédiatres disposent en général de ce matériel, mais jusqu'à présent leur collaboration n'est pas prévue...

jeudi 26 novembre 2009

Grippe A/H1N1v : la politique (anti) vaccinale du gouvernement

Alors qu'en France on démarre la vaccination collective dans les collèges et lycées, en Belgique on en est toujours à empêcher de vacciner, sauf les groupes à risque. Dans lesquels on inclut le personnel médical, les enseignants et les parents d'enfants de moins de six mois, chez qui le vaccin n'est pas recommandé.

Bref on vaccine d'abord ceux qui pourraient transmettre la maladie à d'autres, en oubliant un peu - ou beaucoup - ces autres. On ne prévoit même pas de vacciner les élèves dans les écoles, comme si les adultes y étaient les principaux vecteurs du virus (c'est évidemment faux).

Les résultats de cette approche restrictive ne sont guère brillants. Passons sur l'échec des autorités à surmonter les réticences des professionnels de la santé eux-mêmes. Ils n'échappent pas tous à la désinformation qui sévit sur internet. Dans les hôpitaux le taux de vaccination ne dépasse guère 20 à 30 %.

Il y a pire. Les femmes enceintes sont un groupe à risque mais on interdit aux gynécologues de les vacciner. Les très jeunes enfants sont un groupe à risque mais on a oublié que beaucoup de pédiatres sont les seuls médecins de l'enfant. On ne vaccine pas dans les consultations de nourrissons. Les asthmatiques, les bronchiteux chroniques sont un groupe à risque mais les pneumologues ne peuvent pas vacciner. Pas plus que les cardiologues, les gériatres ou les internistes en général. Sauf en milieu hospitalier.

Il n'est pas étonnant que les vaccins inutilisés s'accumulent dans les pharmacies.

Les spécialistes extra-hospitaliers sont oubliés. On a tout misé sur les généralistes. Sans se rendre compte qu'ils suivent relativement moins de patients à risque et qu'on leur impose des exigences contradictoires. Il leur est demandé, en même temps de ne vacciner que des groupes à risque, mais aussi de ne pas gaspiller le vaccin.

Or on ne dispose que de flacons multidoses pour dix vaccinations, et qui doivent impérativement être utilisés dans les 24 heures. Quels sont les généralistes qui réussiront à vacciner exactement dix patients (ou vingt, ou trente) sur la même journée ? Certains médecins scrupuleux attendent d'avoir assez de demandeurs officiellement à risque pour organiser une séance de vaccinations, et les patients attendent parfois quinze jours. Pas vraiment idéal comme gestion du risque.

D'autres vaccinent tous ceux qui le demandent, ils ne trient pas ou plus, s'ils l'ont jamais fait. Car un omnipraticien qui aurait sur la même journée réussi à vacciner une femme enceinte, un asthmatique, un obèse, un cardiaque, un bronchiteux chronique, un vieillard, un enseignant, une infirmière, et les deux parents d'un bébé de moins de six mois, aura effectivement utilisé ses dix doses. Je doute que des situations analogues se présentent souvent en médecine générale. Il y a forcément du déchet.

Que faire des doses qui restent, sans doute nombreuses ? Les jeter ou tenter de les administrer à des patients ordinaires ? Quoi que disent ou souhaitent les autorités, on se trouve déjà dans une situation où beaucoup de médecins vaccinent tous ceux qui se présentent.

C'est tant mieux, mais je trouve surprenant que la désobéissance civile soit devenue en quelque sorte le seul moyen pour les médecins de faire leur travail.

mardi 13 octobre 2009

Grippe A/H1N1v : on oublie les enfants...

Voici les derniers renseignements, obtenus auprès d'experts autorisés, et qui laissent entrevoir les grandes lignes de la politique gouvernementale belge telles qu'on peut les discerner à ce jour.

La vaccination contre le nouveau virus pandémique H1N1v sera limitée aux enfants à risque, excluant la pédiatrie de première ligne. En principe les généralistes ne pourront vacciner en dessous de 15 ans. Ce seront les services hospitaliers qui suivent les pathologies à risque (mucoviscidose, diabète, asthme sévère, immunodéficiences, cancers, drépanocytose) qui devront s’arranger pour convoquer les patients par paquets de 10.

Cette approche est-elle raisonnable ? On a le droit d'en douter. Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA dû à une pneumonie virale grippale) est gravissime et semble plus fréquent dans cette grippe H1N1v (certains vont jusqu'à dire 100 fois plus) que dans la grippe saisonnière.

Les observations faites en Australie et en Nouvelle-Zélande montrent que le virus H1N1v tend à remplacer le virus saisonnier dans une proportion de l'ordre des 2/3 au moins. Il atteint souvent des gens en bonne santé, et l'âge moyen des décès est de 31 ans.

Il est vrai que globalement la mortalité (0.3 - 0.4 %) ne semble pas beaucoup plus importante que celle de la grippe saisonnière (0.1 %). Des observations françaises récentes font même penser qu'elle est moindre, surtout si on tient compte des infections qui échappent au diagnostic, les symptômes étant parfois très discrets, voire totalement absents.

La mortalité est en tout cas beaucoup plus basse que dans la grippe "espagnole" de 1918-19 (2.4 %), mais comme on prévoit qu'un bon tiers de la population sera affecté (contre 5-10 % pour la grippe saisonnière), on pourrait observer plus de décès, surtout chez les jeunes ou les très jeunes qui n'ont pu rencontrer les virus H1N1, en circulation jusqu'en 1957. Aux Etats-Unis on a entamé la vaccination de masse par crainte d'un excès de mortalité estimé dans une fourchette de 30.000 à 90.000.

L'exclusion des enfants et des adolescents de la vaccination se justifie d'autant moins d'un point de vue épidémiologique que c'est en grande partie par les écoles que les virus grippaux se propagent. Aux Etats-Unis encore on recommande maintenant la vaccination systématique et annuelle contre la grippe dans le groupe d'âge compris entre six mois et dix huit ans.

Il faut surtout rappeler que les enfants en dessous de 2 ans (les Américains disent 5 ans) sont un groupe à risque de complications et d'hospitalisations uniquement du fait de leur âge, même dans la grippe saisonnière. Compte tenu de la virulence pulmonaire potentielle de cette grippe H1N1v, limiter la vaccination à la population adulte ou quasi adulte (plus de quinze ans) est difficile à justifier logiquement et paraît manquer de prudence.

lundi 21 septembre 2009

Accommodements peu raisonnables

Les difficultés d'intégration de nombreux musulmans immigrés en Occident ont poussé des responsables à recourir en leur faveur à la notion d'accommodements raisonnables.

Pour ne pas heurter les musulmans, il faudrait mettre entre parenthèses des valeurs morales, des règles juridiques ou civiques, des normes vestimentaires porteuses de respect et de convivialité, et dont ils pourraient s’exclure, soi-disant pour aider leur communauté à s’insérer graduellement et harmonieusement dans la société.


Cela signifie accepter un certain militantisme religieux et des signes ostentatoires, sinon provocateurs, comme le voile, là où ces manifestations n’ont pas leur place, comme à l’école, au travail, au Parlement.

C’est ne pas protéger la liberté de toutes les femmes de s’habiller normalement.

C’est renoncer à défendre des jeunes contre l’interprétation abusive de prescrits religieux, comme le voile sur des fillettes mais aussi le ramadan imposé à de jeunes enfants au mépris de leur santé et de leur bien-être. On vient de voir à Molenbeek ce que peuvent donner leur malaise et leur énervement.

C’est ne pas insister sur la participation de tous les élèves aux cours de gymnastique, de natation, de biologie.

C'est aussi et finalement accepter comme allant de soi une conception particulière, rétrograde, malsaine, barbare, intégriste et falsifiée de l'islam.

On n'a pas compris qu’on s’attaquait ainsi à la confiance mutuelle entre hommes et femmes, garçons et filles, acquis précieux d’une évolution séculaire et dont la qualité est un ingrédient du bonheur humain.

On n’a pas vu qu’on compromettait le civisme, qu’on bafouait la civilisation. Et on a collé à tous les immigrés provenant d'Afrique du Nord ou de Turquie une étiquette musulmane figée qui ne leur convenait pas forcément et certainement pas à tous.

Autrement dit, au delà des intentions proclamées, ces accommodements raisonnables sont ici une démarche erronée, voire perverse, un consentement implicite à la marginalisation d’une population fragile, victime par là d’une forme inconsciente, mais non moins réelle, de mépris ethnique.

PRESENTATION

La pédiatrie du premier échelon est menacée. Elle se trouve clairement en situation délicate, sinon en crise.

Faut-il rappeler que les pédiatres sont par excellence les premiers médecins de l'enfant ?

Une formation spécifique les prépare, soutenue par un recyclage exigeant, complétée par l'expérience, essentielle à une médecine performante.

Ils ont des raisons de s'inquiéter quand le dossier médical global (DMG) est réservé aux généralistes, comme les subventions aux médecins informatisés, ou quand la presse cesse de publier les noms et numéros de téléphone des pédiatres de garde.

Quand le week-end, on parcourt certains journaux toutes boîtes, on y trouve plus facilement un vétérinaire qu'un pédiatre.

Et en salle d'urgence, où il n'est pas rare que l'attente atteigne plusieurs heures, on n'appelle pas toujours le pédiatre que les parents demandent.

Tout cela témoigne d'une évolution des mentalités, et de réglementations qui peu à peu tendent à priver la majorité des enfants d'une médecine mieux adaptée à leurs besoins.

* * *

Pour quelles raisons ? Il existe en Belgique un courant favorable à un échelonnement excluant les pédiatres de la première ligne des soins, alors que d’autres nations comme la France ou les Etats-Unis considèrent comme une évidence qu’ils y ont leur place.

L'insatisfaction des patients néerlandais ou britanniques, le coût budgétaire, social ou simplement humain de ces contraintes ne freinent pas leurs partisans et ne suffiront sans doute pas à les arrêter.

Les généralistes et les pédiatres, mais aussi les gynécologues, les internistes et à un degré moindre d’autres spécialistes ont tous à des titres divers un rôle à jouer au premier rang des soins.

La collaboration et l'échange d'informations entre médecins répondent à une exigence de continuité des traitements, de cohérence, d'efficacité et de maîtrise des coûts.

Pour y arriver nous avons besoin de réseaux informatisés, souples, évolutifs, ouverts sur la diversité et la complexité des situations. Un échelonnement figé imaginant la médecine comme une pyramide régie par des rapports autoritaires nous projetterait dans une époque révolue.

Ne pas le voir, c’est confondre rigueur et raideur, céder à des chimères qui risquent de déboucher, non sur une rationalité plus grande, mais sur le rationnement, la pénurie, les listes d’attente, le refus de soins et finalement une médecine à deux vitesses.

Car si on en a les moyens, on échappe plus facilement à ces inconvénients. Et on doit s'alarmer devant des signes qui ne trompent pas. Ainsi les témoignages s'accordent pour déplorer la dégradation du nursing hospitalier. Le dévouement du personnel ne suffit plus à compenser les normes insuffisantes, les horaires surchargés, les salaires inférieurs à ceux des pays voisins, ni à empêcher une crise majeure de recrutement.

* * *

Dans notre pays, on admet comme principes intangibles du service au patient, la facilité d'accès aux meilleurs soins possibles - y compris pour les moins favorisés - et la liberté de choisir son médecin - y compris le droit d'en consulter un autre ou d'en changer.

C'est un acquis de civilisation dont nous pouvons être fiers. Il est encore rare dans le monde d'aujourd'hui.

Mais pour les enfants, qu'en reste-t-il, quand les pédiatres sont systématiquement écartés du premier rang de la médecine ?

A la faveur d'un numerus clausus dont les choix n'ont pas été discutés comme ils auraient pu l'être, une pénurie de pédiatres (et d'autres spécialistes) s'est installée.

Elle pèse aujourd'hui sur la pédiatrie hospitalière, mais menace davantage la pédiatrie "de ville" qui risque la disparition pure et simple.

Il est de notre devoir, pour nos patients, pour nos confrères généralistes et spécialistes de dénoncer cette marginalisation de la pédiatrie.

Comment ne pas y voir une régression médicale et sociale, sans doute responsable d'un surcoût ? Reste à le chiffrer.

Car si les pédiatres sont spécialement formés à la médecine des enfants, cette formation, porteuse d'une prévention attentive, d'interventions précoces, d'examens complémentaires ciblés et de traitements efficaces se justifie aussi par sa rentabilité.

Et s'il faut une étude pour le confirmer, les données recueillies par l'Inami sont une mine d'informations à explorer...